La croisière s’amuse

Le crépuscule est couvert. Nico distingue deux dorsales de baleine tandis que nous laçons nos chaussures. L’océan sombre a la couleur du ciel. Malgré nos yeux aiguisés, aucun autre évent ne blanchira l’horizon du golf de Peña. Un lourd brouillard couvre les montagnes. Le crachin embrume l’atmosphère. Les enfants peinent à se concentrer sur leurs exercices. Zélie est ensommeillé, Maël se rebelle contre l’enseignement parental. 

Une visite de la cabine de pilotage est organisée. Commandes, moyen de communication, carte marine et compas, boussole, radar, sonar, barre, sans oublier le siège du capitaine Nelson Thollander, 3 personnes travaillent en permanence dans le cockpit. Les 93 passagers que nous sommes sont encadrés par 45 membres d’équipage. L’Evangelista prendra bientôt sa retraite et sera démantelé d’ici quelques mois pour être remplacé par un ferry moderne, spacieux, de plus grande capacité. 

Le rythme des repas, jeux et occupations diverses s’est mis en place, chacun à trouvé sa place. Maël a adopté Cédric, Caroline et Bernard avec qui il scrute les baleines ou négocient des maisons au Monopoly. Zélie déjeune, joue, se déguise avec ses copines, on ne la voit plus. Nous contemplons, faisons de nombreuses rencontres, des jeux ou de la lecture. 
Peu après le déjeuner, nous traversons l’étranglement des anglais, le passage le plus étroit et délicat de la croisière. Une chapelle à la vierge veille sur le virage épineux. Le ferry passe non loin de l’épave du Leonidas, un navire échoué dans les années 70. Celui-ci transportait du sucre à livrer à Santiago. L’ayant vendu en contrebande aux argentins, le capitaine pensait couler le bateau sur un rocher du canal afin de toucher l’assurance.

Mal renseigné, il n’avait pas connaissance du fait qu’un précédent navire avait déjà fait naufrage sur ce même rocher, et se retrouva bêtement embouti à la surface, prisonnier de la précédente épave. Il ne put toucher l’assurance faute de cargaison de sucre à bord. Une histoire belge en somme. Aujourd’hui il est colonisé par des oiseaux migrateurs et une végétation dense. 

Dans le village côtier de Puerto Éden vivent 80 âmes, isolées du monde, sans aucun accès à la route, dépendant d’une pêche empoisonnée par les algues rouges et d’un approvisionnement sporadique. Alisson descend, 19 autres passagers montent à bord. 

La classe de yoga prend place au milieu du vacarme du bar. Je me sens rouillée, les étirements sont douloureux, la souplesse ankylosée, il est temps de reprendre une activité sportive! Pendant que nous méditions, Nicolas a croisé des dauphins. 

Le canal se rétrécit, la cordillère affaissée est plus abrupte, couverte de forêt rase. Des cascades dégoulinent des falaises sombres. Une brume blanche plonge le navire dans un paysage mystérieux. Au loin, une ligne blanche coupe l’horizon. La corne sonne deux fois, un long échos résonne en retour. 

Nous partageons tous nos repas avec Bernard, Cédric et Caroline, nos parfaits compagnons de voyage. Tandis que la partie de Monopoly se poursuit, les amis chiliens de Pascal nous dressent un portrait de la situation politique actuelle. Le référendum du 26 avril pour ou non la rédaction d’une nouvelle constitution risque d’être tendu à Santiago. Le gouvernement semble être dans une impasse inextricable. Nous suivrons la suite des événements avec attention. 

L’épave du Léonidas
Puerto Éden

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