Les couchettes sont étroites et dures, le passage incessant. Difficile de fermer l’œil. A 4h40, un long arrêt en gare nous sort de notre somnolence. L’express entre en gare de Kanpur à 260km d’Agra, ayant à peine parcouru les deux tiers du trajet. Supposé arriver dans une heure, le retard risque d’être costaud. Petite vérification par acquis de conscience à 5h40 pour confirmer qu’il est inutile de réveiller les enfants.
La matinée passe. « Chai! chowmian!» nous jouons aux cartes pour passer le temps. Rien à se mettre sous la dent… on n’ose pas franchement manger dans le train étant donné l’état général des installations.
Le nord du pays est noyé sous un épais voile blanchâtre, une pollution de l’air terrifiante et une qualité de l’eau effroyable. Les déchets jonchent le parcours, s’amoncellent, brûlent, sont broutés par les animaux. L’Inde est une poubelle à ciel ouvert. La misère se lit partout. Les villes sont asphyxiées par les voitures, les générateurs, le chauffage, la masse d’immondices sur lequel vivent les gens au milieu des bêtes. Les campagnes pratiquent encore un brûlis étouffant, les ruisseaux ne sont qu’égouts.
Nous entrons en gare à 11h30 avec 6h de retard. The Indian way.
A peine débarbouillés, un repas copieux dans l’estomac, Bunti Khan nous conduit en tuktuk au Taj Mahal. Une douce lumière éclaire ses dômes blancs. Tout est harmonie. Les proportions, la plateforme, les quatre façades identiques, les nuances de blanc, les motifs floraux, les marqueteries. Le mausolée de Mumtaz Mahal, la favorite du shah Jahan, morte en couches à la naissance de leur quatorzième enfant, surplombe le paysage de la Yumina du haut de sa plateforme de grès rouge. Les écureuils et les perroquets jouent à cache cache entre les arbres du jardin. Les enfants tentent de les approcher à pas de velours. Une ambiance tranquille émane de l’ensemble. Touristes et écoliers indiens affluent pour le coucher du soleil. Les séances de selfies se succèdent, on retrouve la folie chinoise. Le Taj Mahal est totalement envoûtant. Nous sommes conquis.
Zélie trouve néanmoins l’histoire très triste. Le shah, détrôné par son fils Aurangzeb, termine sa vie détenu dans le fort d’Agra, prison dorée depuis laquelle il peut admirer le tombeau de sa bien aimée.